Certaines personnes peuvent avoir du mal à comprendre pourquoi une personne végane ne mange pas d’œufs. Après tout, il n’y a pas besoin de tuer la poule pour récupérer ses œufs, et on imagine volontiers les poules gambader toute leur vie dans une ferme en pleine campagne. C’est en tout cas l’image que la publicité et l’industrie veulent nous vendre. La réalité est pourtant loin de cette image bucolique.
La réalité de l’industrie des poules pondeuses
La sélection génétique
Les poules pondeuses d’aujourd’hui sont issues d’une sélection génétique qui recherche toujours plus de productivité : alors qu’une poule domestique va pondre une vingtaine d’œufs par année, dans l’industrie, c’est 300 par poule en moyenne. Cette productivité accrue va causer l’épuisement rapide des poules pondeuses.
Le broyage des poussins mâles
L’autre réalité qu’on préférerait ne pas voir sur cette industrie, c’est le broyage (ou gazage) des poussins mâles encore vivants : les mâles ne produisant pas d’œufs, ils sont éliminés dès leur naissance à l’aide de machines. Les souches utilisées pour la viande de poulet n’étant pas les mêmes, ces poussins ne servent à rien à l’industrie de la viande. En France, environ 50 millions de poussins mâles sont tués massivement chaque année, sans avoir jamais vu la lumière du jour. *
L’épointage (ou débecquage) des poules pondeuses
Pour les femelles qui restent, leur vie (déjà très courte) sera loin d’être un long fleuve tranquille. Leurs becs sont raccourcis, à l’aide d’un laser, alors qu’elles sont encore des poussins, dans le but d’éviter les picages et le cannibalisme une fois qu’elles sont entassées toutes ensemble (conséquences de la proximité, du stress et de l’ennui qu’elles subissent). Le bec étant un organe sensible, cette opération est douloureuse pour les poules.
Les conditions de vie
La plupart de ces poules passent leur vie dans des conditions insalubres et de surpeuplement, subissent des maladies comme l’ostéoporose, mais aussi du stress et de l’ennui. Selon les élevages, elles auront un espace équivalent à une feuille A4 pour se déplacer. Le stress et l’ennui peuvent provoquer des comportements agressifs, et il n’est pas rare de voir des poules quasiment déplumées par leurs congénères ou des cas de cannibalisme. Elles manquent également de dispositifs leur permettant de laisser libre court à leurs comportements naturels (se percher, picorer, prendre des bains de poussière).
Beaucoup de poules meurent chaque jour dans les élevages en raison des mauvaises conditions de vie et du manque de soins.
Une vie qui se finit… à l’abattoir
Pour rester rentables, les poules doivent produire un maximum d’œufs, ce qui est généralement le cas la première année. Une fois que la productivité décline, l’industrie n’a plus d’intérêt à la garder. Alors que leur espérance de vie s’élève à environ 10 ans, dans l’industrie, une poule est envoyée à l’abattoir vers 18 mois en moyenne. Manger des œufs est donc similaire à manger de la viande de poulet : dans les deux cas, l’animal finira sa vie en barquette de viande. A noter que cela vaut pour tous les types d’élevages : la poule finira à l’abattoir, peu importe qu’elle ait vécu dans un élevage en batterie, en plein air ou encore bio.
Poules pondeuses : les différents types d’élevage
Aujourd’hui, environ 36 % des poules vivent dans des élevages en cage, 19 % dans des bâtiments sans accès à l’extérieur, 45 % dans des bâtiments avec accès au plein air (16 % en bio, 5,8 % en Label Rouge, 23,2 % en plein air).
L’élevage en batterie (ou cage) : de moins en moins acceptable pour les Français
Dans un élevage en batterie, les cages sont entassées sur des rangées de plusieurs dizaines de mètres de long et une dizaine de mètres de haut. Les bâtiments ne possèdent pas de fenêtres, et la lumière est programmée de façon à ce que les cycles circadiens des poules soient perturbés, encore une fois dans le but qu’elles produisent plus d’œufs. L’espace restreint, le manque de lumière et la proximité des autres poules perturbent les poules qui adoptent des anomalies de comportements.
Selon un sondage IFOP, 73 % des Français se sont prononcés contre l’élevage en cage des poules pondeuses. L’élevage au sol est donc de plus en plus développé pour répondre à la demande des consommateurs.
L’élevage au sol
De plus en plus mis en avant par l’industrie comme étant une alternative satisfaisante à l’élevage en cages, ce type d’élevage est loin de garantir une qualité de vie optimale aux poules qui y sont détenues. Chaque élevage au sol peut détenir des dizaines de milliers de poules dans des bâtiments sans accès à l’extérieur. Les problèmes y sont donc les mêmes : stress, ennui, maladies, cannibalisme, etc. Les poules vivent sur des grillages, douloureux pour leurs pattes, ou sur des sol recouvert de leurs déjections. Des centaines mourront de maladies ou de fractures, souvent laissées à l’agonie.
L’élevage au sol est une illusion d’alternative à l’élevage en cage.
Brigitte Gothière, Directrice et co-fondatrice de L214
Les codes sur les boîtes d’œufs
L214 a créé une page qui regroupe toutes les informations sur les codes des boîtes d’oeufs, permettant de mieux s’y retrouver avec les différents codes. A noter qu’aucun code ne garantit une vie idyllique pour les poules. Dans les élevages en plein air, par exemple, les poules ne passent qu’une partie de leur vie à l’extérieur, la vie en intérieur se déroulant dans des conditions similaires aux autres élevages, notamment en ce qui concerne la surpopulation. Les poussins mâles sont éliminés à la naissance, et les femelles finiront, elles aussi, à l’abattoir.
Comment ne plus participer à la souffrance des poules pondeuses ?
Manger les œufs de ses propres poules ?
Deux écoles s’affrontent sur cette question :
- les personnes welfaristes (privilégiant le bien-être) vont trouver acceptable de consommer des œufs de poules domestiquées
- les abolitionnistes, qui rejettent toute exploitation animale, préféreront refuser la consommation d’œufs, peu importe leur provenance.
J’imagine que sur cette question, chacun peut avoir sa propre morale. De mon côté, j’ai une grand-mère qui a deux poules dont la vie est tout à fait agréable. J’ai décidé de ne pas accepter de consommer leurs œufs, et ce pour plusieurs raisons :
- l’achat de poules pondeuses domestiques entretient encore une fois un système d’exploitation des animaux qui sont traitées comme des objets à notre service
- je n’en ai pas besoin pour vivre et être en bonne santé
- par souci de cohérence dans ma démarche végane
- les poules peuvent consommer leurs propres œufs, qui sont plein de bonnes choses pour elles
Ed Winters, un activiste britannique, a fait une super vidéo sur le sujet des œufs provenant de poules domestiquées (sous-titres français disponibles) :
Eviter les produits transformés contenant de l’œuf
Sauf indication contraire sur l’emballage, la plupart des produits transformés (gâteaux, plats préparés, pâtisseries…) contiennent des œufs de code 3. Si vous ne souhaitez pas consommer ces œufs, évitez donc l’achat de ce type de produits.
Demander des engagements aux grands groupes industriels
L214 interpelle régulièrement des groupes industriels pour les encourager à se fournir dans des élevages plus respectueux des poules pondeuses. De nombreuses pétitions sont disponibles, n’hésitez pas à les signer pour pousser les grands groupes à tourner le dos à l’élevage en cages.
Remplacer les oeufs dans son alimentation
Evidemment, en tant que vegan, j’ai personnellement fait le choix de ne plus consommer d’œufs, et ce afin de garantir l’absence de souffrance animale dans mon assiette. Même dans le plus respectueux des élevages, l’exploitation animale perdure, et la recherche de profits poussera toujours les producteurs à mettre en place des conditions qui iront contre l’intérêt des animaux. Le meilleur moyen d’éviter cela, c’est de refuser les œufs dans votre alimentation. Nutritionnellement, il n’y a rien dans les œufs que l’on ne puisse trouver dans une alimentation végétale. Pour les passionnés de pâtisserie, sachez qu’il est très facile aujourd’hui de remplacer les oeufs.
J’espère que cet article vous aura permis d’ouvrir les yeux sur l’industrie des œufs, qui est loin d’être exempte de souffrance animale. Les industriels et les publicitaires veulent nous bercer d’illusions et nous déculpabiliser de manger des œufs en nous présentant l’image de poules gambadant dans la campagne et nous offrant volontiers leurs œufs. Les diverses enquêtes de L214 indiquent que ces images sont très loin de la réalité. Le meilleur moyen de garantir le bien-être des animaux, c’est tout simplement d’arrêter de les exploiter.
* Le broyage des poussins est désormais en passe d’être interdit en France et devrait prendre fin durant l’année 2022. Les couvoirs spécialisés dans la fourniture de poules pondeuses ont commencé à installer des machines permettant de pratiquer l’ovosexage, une méthode visant à déterminer le sexe d’un embryon. Les mâles seront ainsi éliminés avant l’éclosion de l’œuf. Les machines devront être installées et prêtes à l’emploi d’ici le 31 décembre 2022. L214 continue cependant à lutter pour les canetons femelles de l’industrie du foie gras, qui ne sont pas concernées par cette mesure et qui continueront donc d’être broyées ou gazées à la naissance.