Alors que je me plaignais lors d’un dîner que certaines personnes de mon entourage acceptait mal mon véganisme, une amie assise à table, souhaitant me témoigner son soutien, m’a lancé cette phrase : “L’alimentation c’est un choix personnel de toute façon”. Une phrase que je n’ai pas relevée de suite, mais qui m’a laissé songeuse une fois que le repas était terminé.
Liberté individuelle : où sont les limites ?
La liberté individuelle est érigée depuis des siècles comme idéal à atteindre, comme accomplissement absolu. Nous souhaitons la liberté pour nous-mêmes mais aussi pour tous les autres humains sur cette planète. C’est donc devenu un espèce d’étendard que nous avons tous dégainés un jour : “Chacun est libre de faire ce qu’il veut”.
Alors oui, nous sommes libres de faire ce qu’on veut. Enfin, en théorie. Car en pratique, c’est loin d’être le cas : ai-je le droit de rouler à 180 sur une route à 50 ? Non. Ai-je le droit d’insulter une personne qui m’a grillé dans la file d’attente ? Non. Ai-je le droit de mettre la musique à fond chez moi malgré la présence de mes voisins ? Non.
Il suffit de réfléchir 5 secondes pour se rendre compte que non, chacun ne fait pas ce qu’il veut, en particulier lorsque sa liberté empiète sur l’intégrité et la liberté d’une autre personne. Mon voisin a aussi le droit de ne pas être embêté chez lui par ma musique, les autres automobilistes ont le droit d’être en sécurité et de ne pas me voir débarquer à 180km/h. Ma liberté s’arrête là où commence celles des autres.
Vous n’aurez pas ma liberté de manger
Ayant dit ça, revenons-en au sujet de l’alimentation. J’aurais aussi envie de dire, spontanément, que ce que je mange ne regarde que moi. C’est vrai, en partie. Mais c’est aussi totalement faux.
Si en plein été, je décide de manger une fraise plutôt qu’une framboise, alors oui, c’est mon droit le plus strict. Je mange ce que je veux, selon mes goûts, mes envies du moment, et personne n’a le droit de me le reprocher, car cela ne les regarde tout simplement pas.
Mais à partir du moment où un aliment, pour sa production, a porté atteinte à un autre être vivant, qu’en est-il de ma liberté ? Et surtout, qu’en est-il de la sienne ?
Liberté individuelle et vie animale
Les carnistes aiment cet argument : “Chacun fait ce qu’il veut, manger de la viande est un choix personnel”. Pourtant je ne suis pas sûre que les animaux tués pour produire leur steak serait du même avis. Si ce que je mange a causé la mort d’un animal qui n’a demandé ni à naître, ni à être abattu, peut-on encore parler de liberté individuelle ? A quel moment la liberté de vivre de cet animal a-t-elle été respectée ?
Nul doute que si la vache avait le choix, elle préférerait vivre tranquillement dans son pré que d’être enfermée et envoyée à l’abattoir où elle sera égorgée devant ses congénères condamnées au même sort. Et pour ceux qui seraient tentées de m’accuser d’anthropomorphisme, je répondrai qu’il ne s’agit pas là d’un excès de sensibilité de ma part, mais d’une réalité scientifique : les êtres humains et non-humains veulent survivre. Nous évitons tous la douleur, la souffrance, et avons adopté des mécanismes et un instinct qui nous permettent d’éviter le danger et donc la mort. C’est vrai pour moi, mais aussi pour la vache, le lion ou l’insecte.
Ma question est donc la suivante : l’argument de ma liberté de manger ce que je veux peut-il s’appliquer lorsque que la vie et surtout l’intérêt à vivre d’un autre être vivant est en jeu ?
Ecologie et préservation de la planète
Autre aspect qui me fait tiquer lorsqu’on parle de liberté individuelle : et la planète, dans tout ça ?
Il est avéré que la production animale est une catastrophe écologique : émission de gaz à effet de serre, pollution de l’eau et des sols, épuisement des ressources en eau et en céréales … la liste est longue, et fait froid dans le dos.
Je vis sur cette planète, comme vous. Je bois la même eau, nous respirons le même air.
Peut-on encore alors parler de liberté individuelle lorsque l’alimentation de mon voisin participe à la dégradation d’une planète que nous partageons tous les deux et sur laquelle nous allons devoir tous les deux affronter les conséquences de notre stupidité d’humains ?
Si ce que je mange participe à une dégradation de l’habitat que je partage avec mon voisin, alors l’argument de la liberté de chacun de manger ce qu’il veut ne tient plus à mes yeux.
Ou alors, partons du principe que chacun fait ce qu’il veut et que je serais une climato-sceptique : pourquoi devrais-je continuer à recycler ? pourquoi ne pas m’acheter un gros 4×4 bien polluant ? pourquoi devrais-je me priver de manger des tomates en hiver sous prétexte qu’elles doivent venir de plus loin ? Pas sûr que mes voisins accepteraient alors l’argument du “Chacun fait ce qu’il veut, c’est un choix personnel”.
Cet article n’est pas là pour attaquer qui que ce soit : à l’inverse de la liberté individuelle qui devrait empiéter sur celle des autres, j’estime que chacun a le droit de mener ses propres réflexions et de ne pas se voir imposer des idées qui ne seraient pas les siennes. Vous êtes donc libres d’être d’accord ou non, la discussion n’est pas fermée et je suis prête à en débattre (dans la douceur et l’amour, évidemment).